Addiction alcoolique : trois ans après, l’Agence du médicament lâche la bride sur le baclofène

16 mars 2017  jeanyvesnau

Bonjour

Il faut savoir démonter une usine à gaz. Tel pourrait être le commentaire spontané de l’information que vient de délivrer l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Une information d’importance en ce qu’elle concerne le baclofène comme aide à la prise en charge des personnes devenues dépendantes à l’alcool.

Rappel : il y a trois ans (en mars 2014) après de longs atermoiements, l’ANSM mettait en place (pour une durée de trois ans, une Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU) du baclofène dans la prise en charge des patients alcoolo-dépendants. Puis les atermoiements continuèrent. Passons. Il s’agissait d’encadrer l’utilisation hors AMM du baclofène (Liorésal 10 mg, comprimé sécable, Baclofène Zentiva 10 mg, comprimé sécable) dans le traitement de l’alcoolo-dépendance.

Bureaucratie soviétique

Dès le départ plusieurs professionnels et anciens patients devenus experts dénoncèrent la complexité bureaucratique de type soviétique du système. De fait, au cours de ces trois dernières années, seuls 7 000 patients environ ont été enregistrés sur le « portail de la RTU ». Une donnée sans rapport avec la réalité. D’où la nécessité, reconnue, de démonter le portail. Cela se dit ainsi :

« Compte-tenu de ce faible taux d’adhésion des professionnels de santé au dispositif et de la notion d’une utilisation persistante non encadrée (hors RTU) du baclofène chez des patients alcoolo-dépendants, l’ANSM a entamé un travail de révision de la RTU gardant pour objectif de sécuriser l’accès au baclofène.

« L’ANSM a constitué un Comité Scientifique Spécialisé Temporaire (CSST) composé de médecins addictologues, généralistes et de psychiatres impliqués dans la prise en charge des patients alcoolo-dépendants. Ce comité a été chargé de réviser le protocole de la RTU dans un but d’optimisation et de meilleure adhésion des professionnels de santé à ce dispositif pour la sécurité des patients concernés. »

En pratique une nouvelle version du protocole de la RTU baclofène entre (pour un an) en vigueur aujourd’hui. Et le fameux  portail d’inclusion des patients est supprimé car trop complexe par les professionnels de santé et, surtout, n’ayant pas permis d’identifier de nouveaux signaux de pharmacovigilance.

Prescriptions enfin facilitées

Concrètement le baclofène pourra désormais être prescrit en première intention comme « aide au maintien de l’abstinence après sevrage » et « réduction de la consommation d’alcool ». Attention toutefois :

« Une très grande prudence est demandée en cas de prescription de baclofène chez les patients présentant des troubles psychiatriques, en raison du risque d’aggravation d’une pathologie psychiatrique sous-jacente et/ou du potentiel risque suicidaire. »

Attention encore :

« D’une part le traitement par baclofène doit être instauré très progressivement et la posologie doit être adaptée en fonction de la tolérance et de l’efficacité observée chez le patient ; d’autre part, que la posologie du baclofène doit également être diminuée très progressivement lors de l’arrêt du traitement, compte-tenu du risque de survenue d’un syndrome de sevrage au baclofène.

« Enfin, l’ANSM rappelle que toute utilisation du baclofène en dehors des situations cliniques couvertes par l’AMM ou la RTU engendre des risques et engage la responsabilité des professionnels de santé. »

Pour le reste on est toujours dans l’attente des résultats de l’étude CNAMTS-ANSM portant sur la sécurité, et des rapports définitifs des deux études cliniques, Alpadir et Bacloville. L’usine à gaz est démontée, le terrain est toujours miné.

A demain

Addiction alcoolique : trois ans après, l’Agence du médicament lâche la bride sur le baclofène