Alcoolisme : des études confirment l’efficacité du baclofène

Les Echos

Un temps décrié, ce traitement a finalement fait ses preuves dans la réduction de la consommation d’alcool. Mais pas sur l’abstinence.

Les résultats définitifs, publiés ce vendredi matin, le confirment : le baclofène permet bel et bien de réduire la consommation d’alcool chez les gros buveurs. Les dernières conclusions de ces études, Alpadir et Bacloville, ont été dévoilées à l’occasion des journées annuelles de la Société française d’alcoologie, organisées à Paris.

Décriées le mois dernier, les études sont parvenues à prouver l’efficacité du traitement sur l’alcoolisme, confirmant alors les premiers résultats présentés en 2016 lors du congrès mondial d’alcoologie à Berlin. En conséquence, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a annoncé jeudi soir prolonger d’un an la recommandation d’utilisation qu’elle avait délivrée en 2014, pour permettre aux médecins de prescrire ce traitement.

Une réduction de la consommation chez plus d’un malade sur deux

Les conclusions de l’étude Bacloville confirment « un effet positif » du baclofène à fortes doses sur la réduction de la consommation d’alcool au bout d’un an de traitement, note l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP).

L’essai, réalisé sans sélection ni sevrage préalables, a inclus de mai 2012 à juin 2013 un total de 320 patients de 18 à 65 ans, suivis par des médecins généralistes. Des malades « tout venant, comme en vie réelle, parmi lesquels des dépressifs, des usagers de drogues ou des patients atteints de cirrhose », rappelle le professeur Philippe Jaury, coordonnateur de cet essai.

Mené par tirage au sort, en double aveugle, l’essai Bacloville visait à comparer l’efficacité et la sûreté du baclofène à fortes doses à celles d’un placebo chez des patients alcoolo-dépendants suivis en ville. Il n’a pas été demandé à ces derniers d’arrêter de boire.

« Un Français meurt toutes les 12 minutes à cause de l’alcool »

Les résultats présentés par l’équipe de Philippe Jaury confirment le succès du traitement, qui conduit les patients à l’abstinence ou à la réduction de leur consommation jusqu’à un niveau médicalement correct (chez 56,8% des patients traités, contre 36,5% chez ceux recevant un placebo). « Il s’agit de résultats très intéressants, voire exceptionnels, quand on sait qu’un Français meurt toutes les 12 minutes à cause de l’alcool « , se réjouit Philippe Jury.

Effets indésirables pour 44% des patients

Dans les deux études, on retrouve toutefois des effets indésirables connus : insomnie, somnolence et dépression. Ils sont plus fréquents avec le baclofène : 44% des patients en ont souffert, contre 31% des traités sous placebo.

Des décès ont été observés dans l’essai Bacloville, aussi bien dans le groupe de patients traités que dans le groupe sous placebo, selon le spécialiste qui souligne la grande fragilité des malades concernés.

« Le baclofène permet de réduire la consommation d’alcool, dans un cas sur deux, ce n’est déjà pas si mal », réaffirme le professeur Michel Reynaud, président du Fonds actions addictions en tenant compte des deux études.

Résultats probants sur la consommation, pas sur l’abstinence

Pour ce spécialiste, responsable de l’étude Alpadir, « ce médicament apporte un plus dans l’arsenal thérapeutique » contre l’alcoolo-dépendance.

D’une durée de 7 mois, l’étude Alpadir a également inclus 320 patients répartis par tirage au sort en deux groupes (158 sous baclofène à la dose de 180 mg/jour et 162 sous placebo).

Aucun problème grave n’a été relevé, mais les participants avaient été sélectionnés pour écarter les plus atteints (cirrhose avancée…) ou ceux ayant des antécédents suicidaires ou toxicomanes. Pour l’abstinence, l’objectif principal de l’étude, l’efficacité du baclofène n’était pas supérieure à celle du placebo, confirme-t-il. Vraisemblablement parce que les attentes des patients étaient plus tournées vers une diminution de la consommation, avance Michel Reynaud.

La baisse de consommation observée est plus importante dans le groupe traité par baclofène et encore plus marquée chez les buveurs à haut risque (plus de 4 verres/jour pour les femmes, plus de 6 pour les hommes). « Des buveurs de 12 verres/jour sont passés à 3 verres avec le baclofène contre 4,5 avec le placebo », note-t-il.

Le baclofène a été popularisé par le livre « Le dernier verre », paru en 2008, d’Olivier Ameisen, un cardiologue depuis décédé, qui y racontait que ce médicament avait supprimé son envie de boire.

Source AFP

https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/0211888609489-alcoolisme-des-etudes-confirment-lefficacite-du-baclofene-2073227.php