Alcoolisme : le baclofène gagne ses lettres de noblesse

Paris Match || Mis à jour le Vanessa Boy-Landry

Deux études françaises confirment aujourd’hui l’efficacité du baclofène dans l’alcoolisme. Son usage vient d’être simplifié par l’Agence du médicament (ANSM) et une demande d’autorisation de mise sur le marché va bientôt être déposée. Une grande avancée pour ce traitement qui a longtemps suscité la controverse.

La date est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du baclofène contre l’alcoolisme. La molécule est en train de gagner sa légitimité dans le traitement de la dépendance à l’alcool, alors qu’aujourd’hui, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) révise, assouplit et prolonge d’une année l’encadrement de son utilisation temporaire (RTU), mise en place en 2014. Le baclofène peut aujourd’hui être administré aux patients alcooliques « en première intention », pour le maintien de l’abstinence ou pour la réduction de la consommation d’alcool. « C’est ce que nous avons toujours revendiqué puisque les autres traitements sont moins efficaces », commente le psychiatre Bernard Granger (hôpital Cochin), qui a participé au Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST), chargé de réviser le protocole de la RTU. « Pourquoi attendre que les autres traitements échouent pour prescrire du baclofène? »

Un protocole moins lourd, moins bureaucratique, plus connecté à la réalité du traitement

Autre mesure de simplification du dispositif, la suppression du portail de la RTU. « On s’est rendu compte que cette base informatique n’était pas utilisée et que la plupart des prescriptions de baclofène se faisaient sans qu’elle soit renseignée », ajoute le médecin. Autre modification : le baclofène n’est plus contre-indiqué dans l’alcoolisme associé à une pathologie psychiatrique lourde. Il est aujourd’hui autorisé dans ces indications mais doit être employé avec précaution. « On peut traiter au baclofène des patients schizophrènes ou bipolaires souffrant d’alcoolisme. Ce traitement aide beaucoup ces patients, à condition de bien les surveiller. » Autre point important : les médecins prescripteurs ne sont plus dans l’obligation de demander un avis quand la posologie de baclofène atteint les seuils de 120 et 180 mg. « Le médecin ne demande un avis que s’il estime en avoir besoin, ce qui n’est pas nécessaire quand il connaît bien le produit. Au seuil de 180 mg, l’ancien protocole l’obligeait à se tourner vers un addictologue, c’est-à-dire vers un spécialiste qui a rarement la pratique du baclofène, ce qui était très paradoxal », explique Bernard Granger, satisfait de ce nouveau protocole « moins lourd, moins bureaucratique, et plus connecté à la réalité de la pratique du traitement ».

Les pouvoirs publics sont aujourd’hui convaincus

Le psychiatre, qui prescrit le baclofène depuis des années, félicite aujourd’hui l’ANSM d’avoir réuni, au sein de son comité scientifique, des membres qui connaissent ce traitement dans l’alcoolisme: « Il s’agit aujourd’hui de changements majeurs qui vont profiter aux patients car cela va faciliter l’usage du traitement dont on constate par ailleurs l’efficacité. C’est important car cela prouve qu’aujourd’hui, les pouvoirs publics sont convaincus du bon rapport bénéfice-risque de ce traitement ».

Dévoilés aujourd’hui devant la Société française d’alcoologie, les résultats définitifs des deux études sur le baclofène confirment en effet le succès du traitement chez les patients alcooliques. Ce qui était déjà préfiguré lors de l’annonce des résultats provisoires en septembre dernier, à Berlin. Avec 56,8% de patients traités avec succès, le baclofène est efficace « chez plus d’un malade sur deux », s’est réjoui le Pr Jaury, pilote de l’étude Bacloville, qui voit là des « résultats exceptionnels » alors « qu’un Français meurt toutes les 12 minutes à cause de l’alcool ». « Ce médicament apporte un plus dans l’arsenal thérapeutique » a de son côté commenté auprès de l’AFP, le Pr Reynaud, responsable de l’étude Alpadir.

La demande d’autorisation de mise sur le marché va être déposée

Cet encadrement temporaire des autorités de santé pourrait devoir être renouvelé, le temps que soit demandé et instruit un dossier de demande d’Autorisation de mise sur le marché (AMM). C’est dores et déjà l’intention du laboratoire français Ethypharm, qui a confirmé aujourd’hui à l’AFP qu’il comptait déposer cette demande « d’ici fin mars » en France pour le baclofène dans le traitement de l’alcoolisme. « L’obtention de cette autorisation permettra d’assurer une réelle traçabilité et donc un meilleur suivi », précise le laboratoire dans son communiqué.

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L’histoire du baclofène contre l’alcoolisme a démarré en 2004 lorsque Olivier Ameisen, médecin cardiologue et alcolo-dépendant, découvre la vertu « révolutionnaire » de cette molécule. Dès 2008, ce sont les malades et les médecins qui lui emboitent le pas pour promouvoir et « défendre » l’utilisation du baclofène dans l’alcoolisme. Entre craintes légitimes et diabolisation de la molécule, la controverse autour du baclofène a duré des années. Utilisation simplifiée, efficacité confirmée par les études, et bientôt une demande d’autorisation de mise sur le marché… Aujourd’hui est une date importante pour tous ceux, médecins et malades, qui souhaitent accéder à ce traitement contre l’alcoolisme, qui ne ressemble à aucun autre.

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