Baclofène, c’est presque tout bon pour les grands buveurs

Par Eric Favereau

Deux études confirment l’intérêt de ce médicament contre l’alcoolisme. Et parallèlement, l’Agence du médicament rend son accès beaucoup plus facile.

 

Cela se confirme, ce n’est pas la molécule miracle, il y a des effets secondaires déroutants, mais cela marche : le baclofène permet, au final, de réduire la consommation d’alcool chez les gros buveurs, comme le confirment les résultats définitifs de deux études rendus publics vendredi.

Les derniers résultats de ces études, Alpadir et Bacloville, ont été dévoilés à l’occasion des journées annuelles de la Société française d’alcoologie organisées à Paris. Ils confirment les premiers résultats présentés en 2016 lors du congrès mondial d’alcoologie à Berlin.

Résultats clairs

L’essai Bacloville a inclus, de mai 2012 à juin 2013, 320 patients âgés de 18 à 65 ans, suivis par des médecins généralistes. «Il s’agissait de malades variés, sans sélection, comme dans la vie réelle, parmi lesquels des dépressifs, des usagers de drogues ou des patients atteints de cirrhose», nous avait expliqué le professeur Philippe Jaury, coordonnateur de cet essai. Mené par tirage au sort, l’essai cherchait à comparer l’efficacité et la sûreté du baclofène à fortes doses à celles d’un placebo chez des patients alcoolo-dépendants suivis en ville. Il ne leur a pas été demandé d’arrêter de boire. Les résultats sont clairs, ils confirment le succès du traitement : abstinence ou réduction de la consommation jusqu’à un niveau médicalement correct (chez 56,8% des patients traités contre 36,5% chez ceux recevant un placebo). «Soit une réduction de la consommation chez plus d’un malade sur deux», se réjouit le professeur Jaury.

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«Un plus dans l’arsenal thérapeutique»

Des analyses ont aussi porté sur la tolérance et l’innocuité du traitement. On retrouve dans les deux études des effets indésirables connus et fréquents avec le baclofène (insomnie, somnolence et dépression). Des décès ont même été observés dans l’essai Bacloville, aussi bien dans le groupe de patients traités que dans le groupe sous placebo. «Le baclofène permet de réduire la consommation d’alcool, dans un cas sur deux, ce n’est déjà pas si mal», a réaffirmé à l’AFP le professeur Michel Reynaud. Pour ce spécialiste, responsable de l’étude Alpadir, «ce médicament apporte un plus dans l’arsenal thérapeutique». D’une durée de sept mois, l’étude Alpadir a inclus 320 patients répartis par tirage au sort en deux groupes (158 sous baclofène à la dose de 180 mg/jour et 162 sous placebo). Aucun problème grave n’a été relevé. Pour l’abstinence, l’objectif principal de l’étude, l’efficacité du baclofène n’était pas supérieure à celle du placebo, confirme-t-il. Et d’ajouter : «Des buveurs de 12 verres/jour sont passés à 3 verres avec le baclofène contre 4,5 avec le placebo».

Simplification d’accès

Bref, on le voit nettement, le baclofène se révèle être une aide efficace pour la diminution de la consommation. Tirant parti de ces résultats, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a annoncé, en fin de semaine dernière, la poursuite de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) du baclofène dans la prise en charge des patients alcoolo-dépendants. Et surtout sa simplification. Et pour cause, il était jusqu’à présent très compliqué de le prescrire. Comme le note l’ANSM, «au cours de ces trois dernières années, seuls 7 000 patients environ ont été enregistrés sur le portail de la RTU». Tous les médecins le disaient, ce n’était ni pratique, ni facile, cela prenait beaucoup de temps. Et de ce fait alors, qu’on estime à 100 000 le nombre de patients qui pourraient en bénéficier, seule une faible minorité y avait accès.

L’ANSM a donc décidé de supprimer «le portail d’inclusion des patients» : le baclofène pourra désormais être prescrit, facilement, en première intention dans les deux situations suivantes : aide au maintien de l’abstinence après sevrage ; réduction de la consommation d’alcool. Petite précision d’importance : «Toutefois, une très grande prudence est demandée en cas de prescription de baclofène chez les patients présentant des troubles psychiatriques, en raison du risque d’aggravation d’une pathologie psychiatrique sous-jacente et, ou, du potentiel risque suicidaire.»

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