Baclofène : des nouveaux résultats positifs et une RTU élargie

Aude Lecrubier |   Medscape | 17 mars 2017

Paris, France — Deux nouvelles importantes viennent de tomber concernant l’utilisation du baclofène (Liorésal 10 mg, comprimé sécable, Baclofène Zentiva 10 mg, comprimé sécable) pour lutter contre l’alcoolo-dépendance. D’une part, la présentation ce jour des résultats définitifs des études Alpadir et Bacloville lors des journées annuelles de la Société Française d’Alcoologie (SFA) et le fait qu’ils sont globalement positifs (données non encore publiées). D’autre part, l’ANSN a indiqué, hier, qu’elle prolongeait d’un an la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) et qu’elle allait la simplifier et l’assouplir pour la rendre plus accessible

En bref : les protocoles de Bacloville et Alpadir

Pour rappel, Bacloville est une étude nationale randomisée en double aveugle qui a inclus 320 patients de 18 à 65 ans suivis par des médecins généralistes en ville. Les participants pouvaient recevoir jusqu’à de 300 mg de baclofène par jour (forte dose) vs placebo. L’essai a été réalisé sans sélection ni sevrage préalable et il n’a pas été demandé aux patients de rechercher une abstinence complète.

La deuxième étude française, Alpadir a été menée pendant 7 mois auprès de 320 patients, dont 158 sous baclofène (dose maximale 180g/j) et 162 sous placebo. Les participants ont été sélectionnés pour écarter ceux qui avaient les pathologies les plus sévères (cirrhoses avancées…) ou ceux ayant des antécédents suicidaires ou toxicomanes.

Bacloville : réduction significative de la consommation dans un cas sur deux

Les résultats à un an de l’essai Bacloville montrent que le baclofène à forte dose permet de réduire significativement la consommation d’alcool dans un peu plus d’un cas sur deux. Ils confirment les résultats préliminaires dévoilés en septembre 2016 au congrès de l’ISBRA-ESBRA à Berlin.

A un an, l’abstinence ou la réduction de la consommation jusqu’à un niveau médicalement acceptable était atteinte chez 56,8% des patients traités contre 36,5% chez ceux recevant un placebo.

Sur le plan de la tolérance, des effets indésirables connus (insomnie, somnolence, dépression) ont été observés chez 44 % des patients qui recevaient le baclofène vs 31 % chez ceux qui recevaient le placebo.

En outre, des décès ont été observés dans les deux bras.

Alpadir: un intérêt sur la baisse de la consommation mais pas sur l’abstinence

En ce qui concerne l’essai Alpadir, les chercheurs ne rapportent pas non plus de changements notables par rapport aux données présentées en septembre. L’étude n’a pas montré de supériorité du traitement versus le placebo sur le critère principal de jugement, à savoir l’abstinence. En revanche, la baisse de la consommation d’alcool était plus importante dans le groupe traité et d’autant plus marquée que les patients étaient des grands buveurs (> 4 verres par jour pour les femmes et > 6 verres par jour pour les hommes) (données non encore publiées).

Les effets secondaires observés dans cette population de patients sélectionnés (pas de comorbidités psychiatriques importantes, pas de traitements psychotropes, pas de cirrhose) étaient ceux habituellement observés (insomnies, fatigue, somnolence, nausées…).

« Le baclofène permet de réduire la consommation d’alcool, dans un cas sur deux, ce n’est déjà pas si mal », a indiqué à l’AFP le Pr Michel Reynaud, coordinateur de l’étude Alpadir et président du Fonds Actions Addictions (hôpital Paul Brousse, Villejuif) en commentaire de ces deux études.

Le baclofène permet de réduire la consommation d’alcool, dans un cas sur deux, ce n’est déjà pas si mal — Pr Michel Reynaud

« Le baclofène n’est pas le médicament miracle mais il trouvera sa place pour un profil précis de patients », avait commenté, pour sa part, le Pr Amine Benyamina (Département de psychiatrie et d’addictologie, responsable du centre d’addictologie, hôpital Paul Brousse, Villejuif) pour Medscape Edition française en septembre dernier.

Une RTU assouplie et simplifiée

De son côté, dans un point d’information, l’ANSM a annoncé que dans l’attente des résultats de l’étude CNAMTS-ANSM portant sur la sécurité, et de la publication des résultats définitifs des études cliniques, Alpadir et Bacloville, elle renouvelait la RTU du baclofène dans la prise en charge des patients alcoolo-dépendants pour une durée d’un an [3].

En parallèle, l’agence s’est inquiétée de la faible adhésion des professionnels de santé au dispositif. Au final, seuls 7000 patients ont été enregistrés sur le portail de la RTU en 3 ans alors que selon l’assurance maladie plus de 100 000 patients seraient traités par baclofène en France. L’ANSM a donc décidé de simplifier et d’assouplir la RTU.

D’une part, le portail d’inclusion des patients sera supprimé car il a été jugé trop complexe. D’autre part, les indications seront élargies.

Le baclofène pourra désormais être prescrit en première intention dans les deux situations suivantes :-aide au maintien de l’abstinence après sevrage ;

-réduction de la consommation d’alcool.

Rappel de quelques règles de prudence

Si l’ANSM assouplit ici sa position sur le baclofène dans le sevrage alcoolique, elle appelle à nouveau à une très grande prudence sur les modalités de prescriptions. Notamment « en cas de prescription de baclofène chez les patients présentant des troubles psychiatriques, en raison du risque d’aggravation d’une pathologie psychiatrique sous-jacente et/ou du potentiel risque suicidaire. »

Le traitement par baclofène doit être instauré très progressivement–ANSM

Elle précise que des modalités spécifiques pour la prise en charge de ces patients sont détaillées dans le protocole (16/03/2017) (532 ko) .

En outre, concernant les patients épileptiques ou présentant des antécédents de crises comitiales, et pour lesquels un risque de diminution du seuil épileptogène est possible du fait de la prescription de baclofène, l’ANSM souligne que le traitement doit être instauré très progressivement et qu’une surveillance étroite du patient doit être effectuée tout au long de la prescription.

Par ailleurs, l’agence rappelle que :

-le traitement par baclofène doit être instauré très progressivement et que la posologie doit être adaptée en fonction de la tolérance et de l’efficacité observée chez le patient ;

-la posologie du baclofène doit également être diminuée très progressivement lors de l’arrêt du traitement, compte-tenu du risque de survenue d’un syndrome de sevrage au baclofène.