Baclofène et trouble du comportement alimentaire : les associations de patients et les médecins craignent l’amalgame

Le quotidien du médecin – Damien Coulomb

« Le scénario de dénigrement » du baclofène « que nous avons connu concernant le traitement de l’alcoolisme se répète avec les TCA, alors qu’il conviendrait d’examiner cette question d’un point de vue scientifique. » L’Association des utilisateurs du baclofène et sympathisants (AUBES) ne cache pas son inquiétude dans une « mise au point » diffusée à la suite de la mise en garde lancée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) contre l’utilisation du baclofène dans les troubles du comportement alimentaire TCA et la prise en charge de régimes amaigrissants.

Pour les responsables de l’association, il faut éviter les amalgames, et insister sur le fait que seuls les cas de troubles TCA de type « binge eating » s’apparentant au « craving » de l’alcoolique, « peuvent être améliorés par la prise de baclofène. En revanche, ce médicament n’est pas un coupe-faim et n’a aucun intérêt chez les patients recherchant une pilule pour perdre du poids. » Ils rappellent que l’action agoniste sur les récepteurs Gaba-B lui confère un « potentiel anti-addictif pour plusieurs addictions ayant pour caractéristique commune le craving » et citent plusieurs travaux publiés sur le sujet au cours de ces dix dernières années.

Des études de faibles envergures

Une petite étude publiée dans « InternalJournal of Eating Disorder » menée par Alegra Broft et ses collègues du centre médical de l’université de Columbia a par exemple montré que le baclofène pouvait diminuer de moitié la fréquence des épisodes de « binge eating » chez sept femmes souffrant de TCA. Une autre étude randomisée contre placebo, publiée en 2012 dans « Behevioural Pharmacology », a également montré une réduction de la fréquence des épisodes de consommation compulsive de nourriture chez 12 patients.

Il s’agit cependant d’études de faible envergure : « aucune étude internationale sur le sujet n’est à ce jour lancée » commente le Pr Philippe Jaury, de l’université Paris-Descartes qui coordonne par ailleurs l’essai Bacloville. « En France, il n’y a pas non plus d’essai important de prévu », complète-t-il. Une des questions auxquels d’éventuelles études devraient répondre est celle du rapport bénéfice-risque. Compte tenu des hautes doses nécessaires pour traiter une addiction à la nourriture, moins toxique que l’alcool, celui-ci risque pourrait ne pas être favorable au baclofène.

Un vide thérapeutique à combler

« Il n’existe pas de médicament efficace contre les TCA, explique le Pr Philippe Jaury. Des essais ont été tentés avec certaines molécules dont le topiramate mais leurs résultas ne sont pas concluants pour le moment. Il est pourtant évident qu’il nous manque un médicament pour contrer l’impulsion et le craving. »

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