« La RTU est une reconnaissance de l’utilité du baclofène dans le traitement de l’alcoolisme » Dr Renaud de Beaurepaire

Par Jean-Philippe RIVIERE – Date de publication : 06 Mai 2014

La première Recommandation temporaire d’utilisation (RTU) d’un médicament a été accordée pour le baclofène dans le traitement de l’alcoolisme.

Une reconnaissance exceptionnelle, selon le  Dr Renaud de Beaurepaire, psychiatre,  chef de service à l’hôpital Paul Guiraud, Villejuif (Val-de-Marne) et pionnier de l’utilisation de ce médicament dans cette indication.

VIDAL : Qu’avez-vous pensé de l’octroi d’une RTU (Recommandation Temporaire d’Utilisation) pour le baclofène ?
Dr Renaud de Beaurepaire : La première chose qu’il faut dire, c’est que c’est exceptionnel : c’est une reconnaissance de l’utilité du baclofène dans le traitement de l’alcoolisme, de la part de nos autorités sanitaires et en l’absence de grandes études. C’est également exceptionnel par le fait que cette RTU est la première des RTU qui ait été promulguée en France. Il n’y a pas d’autre RTU [NDLR : depuis cet entretien, une RTU a été accordée pour le tocilizumab].

On pourrait presque dire que la RTU a été faite pour le baclofène, et c’est une très bonne décision : l’ANSM a jugé que le rapport en bénéfice-risque de l’utilisation du Baclofène était en faveur du baclofène. Alors c’est vrai que l’on a fait beaucoup de bruit pour cela, mais c’est vrai aussi qu’en dehors du bruit, il y a quand même des publications dans des journaux qui ont eu un impact suffisant pour qu’on les prenne au sérieux.

L’ANSM, quand elle a pris sa décision, s’est fiée à des études qui avaient quand même une valeur, ce n’est pas comme si c’étaient des études uniquement observationnelles, et elle s’est fiée aussi à la multitude, au nombre immense de témoignages qui paraissaient sur internet, et ça c’est quelque chose de tout à fait nouveau.

VIDAL : Des témoignages patients peuvent donc aussi influencer les autorités sanitaires ?
Dr Renaud de Beaurepaire : C’est ce qu’un journaliste-médecin bien connu, Jean-Yves Nau, a appelé les « phases IV sauvages » : c’est quelque chose de sauvage, qui ne venait pas du tout de l’industrie pharmaceutique ni des prescripteurs, mais qui venait de la base. Des patients guéris venaient témoigner en disant « il s’est passé un truc extraordinaire dans mon existence, j’étais alcoolique depuis 30 ans, je n’avais jamais trouvé le moyen de me soigner et en un mois ou deux de baclofène, une nouvelle vie commence« . Ce sont quand même des témoignages très émouvants, extrêmement nombreux.

Un témoignage on peut douter, 10, 100 témoignages aussi, mais 1 000 ou 5 000 témoignages, cela devient quand même quelque chose qui peut faire réfléchir les autorités sanitaires, d’autant que l’alcoolisme est un immense problème sanitaire, qui a un coût faramineux.

VIDAL : Avec cette RTU, pensez-vous que les médecins vont amplifier la prescription du baclofène ?
Dr Renaud de Beaurepaire : Je crois que tous les médecins dignes de ce nom vont prescrire du baclofène, même s’il y a beaucoup d’opposants au baclofène. Cette opposition vis-à-vis du traitement par le baclofène est faite surtout par des alcoologues, de ceux qui devraient prescrire, par des universitaires aussi, qui pour la plupart, refusent de prescrire du baclofène ou y sont extrêmement réticents. Mais les médecins pour lesquels il n’y a pas eu de pression pour ne pas prescrire, à mon avis prescriront. Parce que c’est bien naturel, quand on est médecin et que l’on sait qu’il y a un médicament qui marche, de le donner. Ils vont se renseigner un petit peu, il y a beaucoup de formations qui sont en préparation, et vont peut-être essayer de se former à la prescription de baclofène, mais il n’y a aucune raison qu’ils ne prescrivent pas.

VIDAL : Après la RTU Baclodène, y aura-t-il une extension d’AMM pour le traitement de l’alcoolisme ?
Dr Renaud de Beaurepaire : Ce n’est pas prévu du tout. Je ne pense pas du tout qu’il va y avoir rapidement une AMM (Autorisation de mise sur le marché) du baclofène dans l’alcoolisme. Il va falloir attendre que les résultats des études Bacloville et Alpadir soient analysés et publiés, il va falloir qu’il y ait des réunions, des concertations… Non, je pense que l’on va se contenter de la RTU pendant 3 ans, ce qui est une autorisation à prescrire, mais on ne suivra peut-être pas la RTU à la lettre, c’est tout.

Propos recueillis par Jean-Philippe Rivière le 27 mars à l’Hôpital Paul Guiraud (Villejuif).

Voir aussi sur Vidal.fr :
– « Baclofène : la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) a été accordée. Modalités pratiques » (14 mars 2014)
– « Baclofène : analyses et recommandations du Comité technique de Pharmacovigilance de l’ANSM » (29 août 2013)
– « Baclofène et sevrage alcoolique : les essais cliniques se poursuivent » (29 mars 2013)

Sources : VIDAL
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