« L’efficacité du baclofène est évidente et spectaculaire »

ADDICTOLOGIE par Dr Chantal Guéniot le 06-03-2014 – www.egora.fr

Vingt et une éminentes personnalités du monde médical viennent de signer une tribune pour demander que le baclofène soit rapidement accessible pour ceux qui en ont besoin. Ce sont des experts d’horizons variés tels que le Pr Jacques-Louis Binet, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie nationale de médecine, le Pr François Chast (pharmacologie, hôpital de l’hôtel-Dieu, Paris), le Pr Bernard Debré (député, urologue), ou encore le Pr Didier Sicard (président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique), qui ont signé ce manifeste au titre sans ambiguïté « Alcoolisme, et pendant ce temps, les malades peuvent mourir ». Le Pr Bernard Granger, chef de l’unité de psychiatrie de l’hôpital Tarnier et lui aussi cosignataire de ce texte, explique les raisons de cet engagement pour accélérer une procédure jugée trop lente.

Egora : Pourquoi cette tribune, alors que le baclofène devrait bientôt être autorisé pour le traitement de la dépendance alcoolique, sous la forme d’une  recommandation temporaire d’utilisation (RTU) ?

Pr Bernard Granger : Depuis que le Pr Maraninchi a annoncé officiellement la mise en place d’une RTU pour le baclofène, en juin 2013, cette mesure n’a cessé d’être repoussée.  On l’avait annoncée pour l’automne 2013,  fin 2013, début 2014… Enfin on nous dit que ce sera pour le premier semestre 2014. Cette inertie est injustifiable, alors que l’efficacité du baclofène est évidente, spectaculaire. Disposer d’un médicament qui permet de soigner plus de 50 % des patients dépendants de l’alcool, c’est appréciable quand on connait les taux d’échecs des traitements conventionnels.  En juin dernier, le Pr Maraninchi avait très bien situé les enjeux du baclofène, son intérêt pour les patients. Mais la lourdeur bureaucratique freine la mise en place de la RTU.

Où se situent ces inerties ?

Un des facteurs  limitant, actuellement, semble être la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Celle-ci a été sollicitée parce que le suivi de la RTU prévoit la constitution d’un fichier informatique anonyme rassemblant les données des patients traités. C’est la première RTU à être mise en place, donc on peut comprendre que le processus soit un peu long. Mais la Cnil avait dit qu’elle rendrait son avis en janvier 2014, puis en février.  Maintenant il est question du 13 mars… Les conflits d’intérêt ont aussi probablement joué un rôle dans le retard avec lequel le baclofène a été reconnu. Les laboratoires qui développent des médicaments dans cette indication ont tout intérêt à ce que l’on attende le plus longtemps possible. Cette histoire très atypique nous montre comment une molécule qui n’est pas soutenue par un laboratoire a fait son chemin, grâce aux associations de patients, aux médecins prescripteurs, à internet, aux médias. Nous sommes aux antipodes d’un développement traditionnel, ce qui désarçonne beaucoup de monde dans les sphères  universitaire et règlementaire.

« L’efficacité du baclofène est évidente et spectaculaire »