Alcoolisme : les feux passent au vert pour le baclofène

Très attendues, deux études cliniques françaises présentées hier à Berlin au congrès de rechercher biomédicale sur l’alcoolisme de l’ISBRA-ESBRA, démontrent l’efficacité du baclofène pour réduire la consommation d’alcool des patients alcoolo-dépendants.

Bacloville, l’étude des médecins généralistes
La première, l’étude Bacloville, est une étude multicentrique, nationale, réalisée en double aveugle contre placebo et exclusivement menée en médecine générale. Configurée comme une étude pragmatique de réduction des risques, Bacloville a été aussi pour particularité d’avoir été menée sur une durée d’un an. 60 médecins généralistes ont inclu 320 participants, de mai 2012 et à juin 2013. Tous les patients ont été observés jusqu’en septembre 2014.

Commencé à la dose de 5 mg administrée 3 à 4 fois par jour pour atteindre un maximum de 300 mg/jour, l’ascension posologique s’adaptait à chaque patient, avec pour objectif son indifférence à l’alcool et ce, sans obligation de sevrage préalable. Ainsi, Bacloville affiche 56.8 % de succès chez les patients prenant la molécule contre 36.5 % dans le groupe placebo.

« Ce sont certes les premiers résultats de l’étude Bacloville, explique le Pr Philippe Jaury, investigateur coordinateur de l’étude (département de médecine générale, université Paris Descartes). Mais ces 20,3 points de différence avec un p = 0,004 prouvent l’efficacité du baclofène. Et ces résultats sont d’autant plus intéressants qu’ils ont été menés en vie réelle chez des patients qui pouvaient être consommateurs réguliers de cannabis (27), de cocaïne (4), d’héroïne (2) ou traités par méthadone (17) ou buprénorphine (20) ». La consommation d’alcool au départ était de 13 unités par jour et au terme de l’étude, plus de la moitié avait au moins réduit sa consommation aux normes fixées par l’OMS.
La suite de l’interprétation statistique des résultats de Bacloville devrait fournir des données de sécurité, « indispensables à l’évaluation du rapport bénéfice/risque », explique le Dr Laurent Rigal, méthodologiste de l’étude (département de médecine générale Paris Descartes).

Alpadir en faveur de l’efficacité et de la tolérance du baclofène
Du côté de la deuxième grande étude sur le baclofène, également française, nommée Alpadir, même son de cloche sur l’efficacité de la molécule dans la lutte contre l’alcoolisme. Même si le critère principal qui était l’abstinence n’a pas atteint son objectif.
En effet, cet un essai multicentrique, randomisé, en double aveugle, visait à évaluer l’efficacité du baclofène à la posologie de 180 mg par jour versus placebo dans le maintien de l’abstinence des patients alcoolo-dépendants (critère principal) et dans la réduction de la consommation d’alcool (critère secondaire) chez des patients alcoolo-dépendants préalablement sevrés. 320 patients ont été randomisés (158 sous baclofène et 162 sous placebo). 11,9 % des patients sous baclofène et 10,5 % des patients sous placebo ont atteint cet objectif d’abstinence continue au terme de 20 semaines consécutives. Sur ce critère, aucune différence statistiquement significative n’a été mise en évidence entre les 2 groupes. Mais une réduction importante de la consommation d’alcool a été observée dans les 2 groupes avec une baisse plus importante pour les patients traités par baclofène.

Cette baisse de la consommation et la différence entre les deux groupes sont plus importantes dans la sous-population des patients avec une consommation à risque élevé (consommation de plus de 4 verres/jour chez la femme et plus de 6 verres/jour chez l’homme). Une diminution importante du « craving » (envie irrépressible de boire) a aussi été rapportée parallèlement à la baisse de la consommation, avec une différence statistiquement significative en faveur du baclofène.

« Dans la réduction de la consommation d’alcool, l’effet cliniquement significatif s’est maintenu pendant les six mois de l’étude, explique le Pr Michel Reynaud (service d’addictologie à l’Hôpital Paul Brousse, Villejuif) et coordinateur de l’étude. Ces résultats sont intéressants pour les patients et, de mon point de vue, ce médicament apporte un plus dans l’arsenal thérapeutique ». En matière de tolérance, les effets indésirables ont été plus fréquents sous baclofène que sous placebo. Les principaux effets indésirables relevés ont été ceux déjà connus pour le baclofène : somnolence, asthénie, vertiges et insomnie. Aucun problème majeur de tolérance n’a été observé.