Alcoolisme : «Sans baclofène, je suis foutue», témoigne une patiente

12 addictologues de renom s’élèvent contre la décision de réduire la dose du médicament contre l’alcoolisme. Jessica*, 27 ans, ne compte pas se «laisser faire».

Dans quelques jours, elle et son compagnon passeront devant le notaire afin de préparer leur mariage. «Une belle revanche sur la vie», glisse de sa voix abîmée Jessica*. Depuis son adolescence et jusqu’à il y a quatre ans, la seule préoccupation de la jeune femme de 27 ans qui vit en région parisienne était de «trouver 2 € pour acheter la première bouteille de mousseux dégueulasse». Sa fragile «guérison», dit-elle, elle la doit au baclofène, ce relaxant musculaire qui a fait ses preuves dans le traitement contre l’alcoolisme. Elle absorbe 10 comprimés par jour, soit 300 mg.

Alors, en apprenant mardi la décision de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de réduire la dose maximale à 80 mg, son sang n’a fait qu’un tour. «On ne laissera pas faire», a immédiatement écrit son compagnon au gendarme du médicament avant de lancer une pétition sur le site Change.org.

Mercredi, ce sont douze addictologues, psychiatres, pharmacologues de renom qui, dans une tribune, se sont élevés contre cette décision «faite sans concertation avec les spécialistes de terrain». «Pour stopper l’alcool, deux tiers de nos patients ont besoin d’une dose supérieure à 80 mg. La moyenne est à 150-180. Le risque d’une telle mesure ? Tout bonnement la rechute», tonne le professeur Bernard Granger, psychiatre à l’hôpital parisien Cochin, qui prévient : «Je continuerai demain à prescrire les doses nécessaires, je ne les baisserai pas, il en va de ma responsabilité.»

«Le baclofène m’a sauvé la vie»

L’ANSM pointe de son côté une inquiétante étude pour justifier sa décision. «L’utilisation du baclofène est associée à un risque accru, augmentant avec la dose, d’hospitalisation et de décès», assure-t-elle. «Comme pour beaucoup de monde, le baclofène m’a sauvé la vie ! Si ma dose baisse, je suis foutue, répond Jessica. Je suis passée d’une visite par mois chez mon médecin à une tous les six mois. J’ai désormais des centres d’intérêt, le dessin, l’écriture. Je vais bien. Le train est en marche, pourquoi vouloir lui enlever un wagon ?» se désole-t-elle.

«Nous avons essayé à plusieurs reprises de baisser les dosages. A chaque tentative, les envies de boire ou de consommer du cannabis de Jessica revenaient. Avec sa dose actuelle, elle n’a jamais rechuté», note son compagnon.

Quid des effets secondaires, endormissements, troubles de l’équilibre, palpitations, acouphènes, liés au baclofène ? «Ils existent pour 100 % des patients, concède Bernard Granger, mais ils sont sans commune mesure avec les dommages que cause ce poison qu’est l’alcool», insiste-t-il. Avec ses camarades signataires de la tribune, il demande l’ouverture d’une concertation pour réfléchir à des prescriptions «mieux encadrées».

* Le prénom a été changé.

  Le Parisien

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