Baclofène et possibles effets indésirables : l’expérience du Dr Renaud de Beaurepaire

Par Jean-Philippe RIVIERE – Date de publication : 25 Avril 2014

Il nous décrit les principaux effets indésirables qu’il a constaté et nous fait part de son avis sur leur gravité et sur le possible risque suicidaire évoqué par les autorités de santé.

VIDAL : Quels sont les principaux effets indésirables liés à ce traitement ?
Dr Renaud de Beaurepaire : L’immense majorité des effets indésirables sont des effets mineurs et qui disparaissent assez rapidement. Ce sont des effets mineurs (ce sont des effets qui sont toujours bénins, il n’y a aucune toxicité) mais qui peuvent prendre une forme un peu grave, ou apparemment grave, quand les patients ne prennent pas régulièrement leur traitement. Par exemple il y a un cas, (chez moi cela se présente moins, parce que je suis au courant et je mets bien au courant les patients, mais ce qui m’est arrivé assez souvent quand j’ai commencé à prescrire du baclofène), c’est que des patients arrêtaient de prendre leur traitement parce qu’ils avaient oublié, parce qu’ils sont partis en week-end et qu’ils ne l’ont pas pris, pour diverses raisons et ils veulent se rattraper ensuite.

C’est-à-dire qu’ils sont par exemple à 6 ou 8 comprimés par jour, l’oublient pendant 2 ou 3 jours, ils se disent je vais me rattraper, je vais en prendre 10 d’un coup et ça, c’est absolument dramatique.

VIDAL : Cette surdose temporaire peut avoir de graves conséquences ?
Dr Renaud de Beaurepaire : Ce n’est pas grave, simplement les patients ont des troubles de la conscience, ont des effets psychomoteurs assez terribles, des vertiges, des chutes, ils se retrouvent la plupart du temps aux urgences. Donc ces prises excessives de baclofène sont bénignes, ce n’est pas grave du tout, au bout de quelques heures tout revient à la normale, mais à condition qu’ils ne se fracturent pas une jambe ou qu’ils n’aient pas un accident. Je n’ai jamais eu de fracture mais il paraît que plein d’autres patients en ont eu, d’autres prescripteurs disent qu’ils en ont eu. Quand un patient prend irrégulièrement son traitement, c’est donc une cause très fréquente d’échec du traitement.VIDAL : Comment minimiser cette irrégularité des prises ?
Dr Renaud de Beaurepaire : je suis extrêmement rigoureux et strict, je donne aux patients des feuilles où ils doivent cocher ce qu’ils prennent etc.  L’importance de la prescription de façon rigoureuse est devenue majeure pour moi. Auparavant je ne le faisais pas, et je pense que beaucoup d’échecs du traitement avec le baclofène sont liés au fait que souvent les prescripteurs ne savent pas très bien le prescrire.Il y a tout un art de la prescription du Baclofène, qui s’acquiert avec le temps et que je pense avoir acquise, mais je pense que beaucoup de médecins n’ont pas cette familiarité avec la prescription qui fait que l’on le prescrit sans réticence.VIDAL : Y-a-t-il d’autres effets indésirables compliquant le suivi du traitement ?
Dr Renaud de Beaurepaire : Il y a aussi, je l’ai dit tout à l’heure, une certaine catégorie de patients qui sont intolérants au baclofène. Le baclofène leur donne des effets indésirables qui ne sont pas graves mais qui sont extrêmement difficiles à supporter. Il y a plein d’exemples, par exemple j’ai quelques patients qui ont eu des vomissements absolument incoercibles sous baclofène : chaque fois qu’ils prenaient un comprimé, ils vomissaient de façon terrible et, malgré tous les traitements que je leur donnais pour les empêcher de vomir, ils vomissaient quand même. J’ai également eu un ou deux cas qui avaient des diarrhées.

J’ai aussi eu des cas d’incontinence urinaire : j’ai eu, je crois, deux ou trois patients qui ont arrêté le baclofène tout simplement parce qu’il les rendait incontinents et que cela était ingérable dans la vie quotidienne.

VIDAL : Et au niveau des possibles troubles psychologiques ?
Dr Renaud de Beaurepaire : Il y a des personnes chez lesquelles le baclofène donne des manifestations psycho-sensorielles terribles : des hallucinations, des états de rêves, des sensations absolument bizarres partout, des sensations de compression de la tête par exemple, d’écrasement du corps, de la tête. C’est très curieux, ce n’est pas grave du tout, le baclofène agit pendant quelques heures, cela disparaît et il ne reste rien de ces écrasements, mais c’est extrêmement pénible à supporter. Il y a aussi certains patients qui présentent des vertiges terribles : j’ai eu quelques cas d’enseignants ou d’enseignantes qui ne pouvaient plus se lever pendant les cours parce qu’ils tombaient, avec des impressions vertigineuses absolument terribles. Je leur donnais des traitements pour essayer de soigner cela, les traitements habituels des vertiges, tout comme tout à l’heure des vomissements ou des incontinences etc. Mais ces traitements ne marchaient pas.

VIDAL : Que faut-il également connaître sur la tolérance du baclofène ?
Dr Renaud de Beaurepaire : Il y a, on pourrait dire une troisième catégorie d’effets indésirables qui sont assez graves parce que souvent imprévisibles et très très gênants : les états maniaques. C’est-à-dire que j’ai eu des patients qui n’avaient aucun antécédent de bipolarité et qui ont déclenché sous baclofène des états maniaques. Je suis psychiatre, je sais comment il faut faire mais, malgré tout, quand l’état maniaque s’est déclenché, je n’étais pas à côté, ce sont des patients qui ont été hospitalisés, qu’on a mis sous traitement thymorégulateur, qui sont venus ensuite me voir avec leur traitement thymorégulateur, cela s’est bien passé, mais un état maniaque cela peut être quelque chose de dangereux.

Les cas de franche dépression, ou franche manie sont très rares mais c’est vrai que c’est très ennuyeux quand même, assez difficile, avec la dépression il y a toujours un risque suicidaire, même si je n’ai jamais eu de suicide sous baclofène.

VIDAL : Que pensez-vous du risque suicidaire évoqué par l’ANSM ?
Dr Renaud de Beaurepaire : Je n’ai pas été convaincu que ce soit le baclofène. Ce sont des patients qui généralement étaient déjà déprimés, avaient une longue histoire de dépression, qui buvaient toujours, qui prenaient quantité de médicaments autres que baclofène et je ne suis pas du tout persuadé que les suicides étaient liés au baclofène. Mon avis est qu’il n’y a jamais eu de suicide sous baclofène. Il y a des gens qui ont pris du baclofène pour se suicider, ça c’est autre chose, ils n’ont d’ailleurs pas réussi, mais des patients traités par le baclofène qui se seraient suicidés à cause du baclofène, je pense qu’il n’y a aucun cas.

Je dis cela parce que, peut-être que l’on en reparlera, dans la RTU (Recommandation Temporaire d’utilisation) on fait peur aux prescripteurs en disant qu’il y a un risque de suicide. Moi je pense qu’il n’y a aucun risque de suicide avec le baclofène.

Propos recueillis par Jean-Philippe Rivière le 27 mars à l’Hôpital Paul Guiraud (Villejuif).

Voir aussi sur Vidal.fr :
– « Baclofène : la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) a été accordée. Modalités pratiques » (14 mars 2014)
– « Baclofène : analyses et recommandations du Comité technique de Pharmacovigilance de l’ANSM » (29 août 2013)
– « Baclofène et sevrage alcoolique : les essais cliniques se poursuivent » (29 mars 2013)

Sources : VIDAL
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