Baclofène : pour quels patients ?

Par La rédaction d’Allodocteurs.fr

Mis à jour le , publié le

Les conditions de prescription du baclofène sont-elles trop restrictives ? C’est ce qu’affirment les partisans de ce médicament contre la dépendance à l’alcool. En 2014, ils avaient gagné une première bataille en obtenant une recommandation temporaire d’utilisation, dite RTU. Mais certains jugent cette RTU mal adaptée.

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Il y a deux ans, à cause de l’alcool, Nathalie n’était plus que l’ombre d’elle-même. Chaque jour, elle buvait plus d’un litre d’alcool fort.

« J’ai commencé à apporter de l’alcool au travail, à en boire en fin de matinée, etc. C’était plus fort que moi, comme si j’allais non pas mourir mais être en manque, ne pas être bien… »

Pour se soigner, Nathalie s’est fait prescrire du baclofène. A très haute dose, il supprime l’envie de boire. Aujourd’hui, Nathalie va beaucoup mieux. Mais elle ne devrait pas prendre du baclofène car elle a aussi un traitement psychotrope. C’est l’une des restrictions imposées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans le cadre de la Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU).

Pour le Dr Philippe Jaury, médecin généraliste spécialisé en addictologie, les contre-indications contenues dans cette RTU sont trop nombreuses : « On élimine les patients qui sont atteints de dépression, qui ont des troubles psychiatriques comme les bipolaires… On élimine beaucoup de patients. Alors que le patients qui ont des problèmes d’alcool ont d’autres pathologies, des comorbidités… ça revient à donner un traitement seulement à des gens qui vont bien. »

Ce médecin a donc décidé de passer outre les recommandations officielles. Et de prescrire plus largement le baclofène. Comme aucune sanction n’est prévue, il n’est pas le seul. 100.000 patients prendraient aujourd’hui ce médicament, alors qu’ils sont seulement 6.000 à être déclarés à l’Agence du médicament. Une surveillance pourtant nécessaire pour le psychiatre Philippe Batel : « Ce n’est pas un médicament anodin : il a des effets secondaires importants et parfois invalidants, comme la somnolence, des troubles de l’équilibre… Et puis nous avons, dans l’arsenal thérapeutique de l’alcoolo-dépendance, d’autres produits qui ont une balance bénéfice/risque tout aussi satisfaisante, voire meilleure ».

Ce flou s’explique par l’absence de publication des résultats des deux essais cliniques en cours. L’Agence du médicament a annoncé qu’elle allait revoir la RTU d’ici le premier trimestre 2016.