La saga du baclofène (6) – Le legs d’Olivier Ameisen

Bernard Granger

La saga du baclofène a été marquée par deux événements majeurs en 2013. Le premier est la mort d’Olivier Ameisen, survenue brutalement le 18 juillet, dans son appartement parisien. Tous ceux qui ont connu Olivier Ameisen ont été profondément attristés de le voir partir si tôt, à soixante ans, alors que son travail admirable sur l’intérêt du baclofène à fortes doses dans l’alcoolo-dépendance venait de recevoir une amorce de reconnaissance officielle, ce qui constitue l’autre événement majeur de 2013, heureux celui-là.

Olivier Ameisen était un écorché vif, inadapté à notre époque de précautions médiocres et de médiocres calculs. Mégalomane en réaction à sa fragilité intérieure, il avait bousculé le monde de l’alcoologie, sans ménager les susceptibilités des dignitaires en place, d’abord en publiant son auto-observation dans la revue Alcohol and Alcoholism fin 2004, ensuite en écrivant avec réalisme et émotion le récit de sa déchéance et de sa guérison dans Le Dernier Verre paru chez Denoël en 2008, un des meilleurs livres sur l’alcoolisme. Aussi dur et méprisant avec ceux qui défendaient et appliquaient sa découverte, qu’avec ceux qui la combattaient, il posait son regard bleu d’enfant à la fois égaré et lucide sur les turpitudes du monde académique, sur ses « confrères » perclus de conflits d’intérêts ou aveuglés par leurs préjugés. Jamais en peine de formules tranchantes et spirituelles, il défendait son travail avec une ardeur parfois excessive ou maladroite.

Il aura fallu du temps pour que s’impose cette avancée thérapeutique majeure, dont Olivier Ameisen est l’auteur incontesté. Les malades de l’alcool guéris grâce au baclofène auront été ses meilleurs alliés. Ils se reconnaissaient dans l’extraordinaire autoportrait du Dernier Verre, et, pour les avoir ressentis de l’intérieur, ils connaissaient les bienfaits procurés par cette molécule ancienne, dont Ameisen avait décelé les immenses propriétés dans l’addiction à l’alcool en l’utilisant de façon appropriée, c’est-à-dire à fortes doses.

La dernière apparition publique d’Olivier Ameisen remonte au 3 juin 2013 à l’hôpital Cochin. Un colloque y était consacré au baclofène. Cette réunion scientifique avait été précédée en avril 2013 d’un appel pour qu’enfin le baclofène puisse être rendu facilement accessible pour les patients. Les pouvoirs publics, bien au fait du dossier scientifique et alertés depuis de longs mois, ont annoncé ce 3 juin par la voix du Pr D. Maraninchi, directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qu’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) allait être accordée au baclofène.

La saga du baclofène (6) – Le legs d’Olivier Ameisen