Quelles attentes peut-on avoir aujourd’hui de la pharmacothérapie des troubles liés à l’usage d’alcool ?

24 févr. 2015 | par Jean Adès | caducee.net

Résumé

Au cours des dernières années, de nombreuses molécules ont été proposées dans le traitement des troubles liés à l’usage d’alcool. A côté de médicaments déjà classiques, tel l’acamprosate ou la naltrexone, de nouvelles molécules (nalméfène, GHB, baclofène) sont proposées, soit comme traitement de substitution de l’alcool, indiquées quand une abstinence totale est proposée au patient, soit comme réducteur du « craving » facilitant le retour à une consommation contrôlée ou le maintien d’une abstinence déjà obtenue. Certains de ces produits, déjà largement utilisés à l’étranger, attendent d’être commercialisés en France (nalmefene, GHB) ou, comme le baclofène peuvent désormais être prescrits sous couvert d’une Recommandation Temporaire d’Utilisation. Malgré l’engouement très médiatisé pour le baclofène, dont les effets en fonction des doses seront précisés par les résultats de deux études contrôlées en cours, les médicaments ne sont qu’un des éléments de la prise en charge du trouble complexe bio-psycho-social qu’est l’alcoolo-dépendance. Diverses formes de psychothérapies demeurent indispensables dont les médicaments proposés peuvent être un appoint utile.

Introduction

De nombreuses molécules commercialisées, en attente d’Autorisation de Mise sur le Marché, ou en développement sont proposées dans le traitement des conduites alcooliques. Quels espoirs peut-on mettre dans ces traitements ? Comment les prescrire ? Y-a-t-il, comme le proclament certains media, et quelques praticiens, une « révolution » dans le traitement de l’alcoolisme, liée notamment à l’usage de baclofène ?

Deux points sont à souligner en introduction : – Si la gravité potentielle de l’usage régulier excessif d’alcool est indiscutable, à peine un tiers des patients, selon l’étude épidémiologique Nord-Américaine NESARC bénéficie d’un traitement, et seuls 10 % d’entre eux reçoivent un traitement médicamenteux (1). Ces chiffres regrettablement bas, relativisent l’engouement pour le baclofène dont la perception, en cas de résultats positifs des études contrôlées en cours, ne concernera qu’un faible nombre de patients, à moins que son usage ne favorise des demandes accrues de soins.

– Les stratégies de soins, par ailleurs, ont évolué au cours de la dernière décennie. Au dogme d’une abstinence totale d’alcool, considérée comme le seul objectif possible en cas de dépendance, s’adjoint aujourd’hui la perspective souvent proposées aux patients du retour à une « consommation contrôlée ».

La définition de l’objectif, qui tient compte du choix du patient, abstinence ou consommation contrôlée, influence le choix des molécules essentiellement prescrites. Ainsi peut-on différencier des traitements pharmacologiques substitutifs de la consommation excessive d’alcool, lorsqu’une abstinence totale est recherchée, et des traitements représentant une aide à la réduction de la consommation, agissant notamment sur le « craving ». C’est ce plan que nous suivons dans cette communication, afin de clarifier les motifs de choix des produits proposés.

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