Baclofène : auditions tendues face à l’Agence du médicament

Auteur : Sylvie Dellus – Santé Magazine

Le laboratoire Ethypharm a déposé en 2017 une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le Baclofène dans l’indication « réduction de la consommation d’alcool ». Initialement, cette molécule était prescrite pour calmer les spasmes musculaires dans la sclérose en plaques. Depuis une dizaine d’années, il est utilisé par des personnes en difficulté avec l’alcool, pour arrêter ou réduire leur consommation.

La demande d’AMM était examinée, mardi 3 juillet 2018, par une commission d’évaluation de l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm). Celle-ci se réunit aujourd’hui à huis clos pour prendre une décision qui pourrait être annoncée courant juillet ou en septembre.

Une vague d’espoir sans précédent

Tout au long de la journée, les auditions de médecins et de représentants des patients se sont succédé, suscitant de vifs débats. Il est vrai que le Baclofène a soulevé une vague d’espoir sans précédent. « Quand des milliers de patients témoignent qu’ils ont guéri grâce à une molécule, c’est qu’il se passe quelque chose », a rappelé le Dr Renaud de Beaurepaire, l’un des premiers addictologues à s’intéresser au Baclofène.

Le problème, c’est que les études scientifiques se succèdent et se contredisent parfois. En avril dernier, un comité d’experts chargé par l’Ansm d’examiner le dossier d’AMM a rendu un avis négatif, au grand dam des associations de patients et des prescripteurs de Baclofène, qui contestent la fiabilité des études retenues et mettent en avant des travaux scientifiques plus favorables.

Des témoignages de la « vraie vie »

Au final, c’est la « vraie vie » qui s’est imposée, avec des témoignages particulièrement forts. Samuel Blaise de l’association Baclofène-Olivier Ameisen a rappelé que la molécule aide à supprimer le craving, l’envie irrépressible de boire : « Les bouteilles ne vous parlent plus », a-t-il expliqué. Des psychiatres, des addictologues et des médecins généralistes ont souligné que la perspective d’un traitement médicamenteux pousse les patients à entrer dans une démarche de soins. Le suivi est primordial : les doses doivent être personnalisées et ajustées en cas d’apparition d’effets secondaires.

Deux représentants de la Camerup (coordination d’associations d’entraide pour les personnes en difficulté avec l’alcool) ont fait entendre un son de cloche différent, plus sceptique sur les effets du Baclofène. Ils ont dénoncé une  présentation « hollywoodienne » du produit risquant de minimiser la difficulté de sortir de l’addiction.

Un accompagnement indispensable

L’ensemble des intervenants se sont entendus au moins sur un point : le médicament n’est pas miraculeux. Le traitement demande un véritable engagement du patient et de son médecin. Et, surtout, il doit s’accompagner d’une véritable prise en charge psychosociale.

Autre enseignement de cette journée : le mode d’action du Baclofène intéresse l’industrie pharmaceutique. Samuel Blaise a souligné que le laboratoire Indivior travaille sur une molécule similaire. « Si vous ne faites rien, a-t-il rappelé à l’Ansm, la solution arrivera dans dix ans dans les mains d’un industriel ». Or le Baclofène est une molécule ancienne, déjà génériquée, et qui ne coûte pas cher.

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