Baclofène : bientôt l’AMM ?

Paris, le vendredi 17 mars 2017

En mars 2014, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a élaboré, pour une durée de 3 ans, une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) du baclofène dans la prise en charge des patients alcoolo-dépendants. Sur la base des recommandations du CSST (Comité Scientifique Spécialisé Temporaire) composé de médecins addictologues, généralistes et de psychiatres et du comité technique de pharmacovigilance, une nouvelle version du protocole de cette RTU entre en vigueur à compter du 17 mars 2017.

En premier lieu, elle est prolongée d’un an, avant une éventuelle autorisation de mise sur le marché et assouplie. Dans le cadre des nouvelles modalités de traitement applicables pour cette RTU, le baclofène pourra ainsi désormais être prescrit en première intention dans les deux situations suivantes : l’aide au maintien de l’abstinence après sevrage et la réduction de la consommation d’alcool (jusqu’alors la prescription ne pouvait se faire en théorie qu’en cas d’échec d’une première stratégie thérapeutique).

D’autre part, le portail d’inclusion des patients sera supprimé. En effet, les médecins continuaient à prescrire majoritairement le baclofène pour traiter l’alcoolo-dépendance en dehors de ce système, car ils le jugeaient compliqué et chronophage.

Une très grande prudence est rappelée en cas de prescription de baclofène chez les patients présentant des antécédents psychiatriques ou épileptiques.

Alpadir et Bacloville : « des résultats très intéressants, voir exceptionnelles » sur la réduction de la consommation

Ces modifications interviennent alors que les derniers résultats des études Alpadir et Bacloville, sont dévoilées à l’occasion des journées annuelles de la Société française d’alcoologie.

Concernant Bacloville, les premiers résultats présentés en 2016 lors du congrès mondial d’alcoologie à Berlin sont confirmés. Réalisée sans sélection ni sevrage préalables, l’étude a inclus un total de 320 patients âgés de 18 à 65 ans, suivis par des médecins généralistes.

Il s’agissait de malades « tout venant, comme en vie réelle, parmi lesquels des dépressifs, des usagers de drogues ou des patients atteints de cirrhose », rappelle le Pr Philippe Jaury, coordonnateur de cet essai.

Mené par tirage au sort, en double aveugle, l’essai Bacloville visait à comparer l’efficacité et la sûreté du baclofène à fortes doses (300 mg/jour) à celles d’un placebo chez des patients alcoolo-dépendants suivis en ville.

Les résultats confirment le succès du traitement (abstinence ou réduction de la consommation) chez 56,8% des patients contre 36,5% chez ceux recevant un placebo.

La baisse de consommation observée est encore plus marquée chez les buveurs à haut risque « des buveurs de 12 verres/jour sont passés à 3 verres avec le baclofène contre 4,5 avec le placebo », souligne Philippe Jaury.

On retrouve néanmoins des effets indésirables plus fréquents avec le baclofène (44 %) (insomnie, somnolence et dépression), comparé au placebo (31 %).

Enfin notons que des décès ont été observés, aussi bien dans le groupe des patients traités que dans le groupe sous placebo, l’ensemble des sujets inclus étant marqués par une grande fragilité potentielle.

« Il s’agit de résultats très intéressants, voire exceptionnels, quand on sait qu’un Français meurt toutes les 12 minutes à cause de l’alcool », souligne Philippe Jaury.

D’une durée de 7 mois, l’étude Alpadir a également inclus 320 patients répartis par tirage au sort en deux groupes (158 sous baclofène à la dose de 180 mg/jour et 162 sous placebo).

Néanmoins, pour l’abstinence, objectif de l’étude Alpadir, l’efficacité du baclofène demeure non significative par rapport à celle du placebo, vraisemblablement parce que les attentes des patients étaient plus tournées vers une diminution de la consommation, selon le Pr Reynaud, auteur de ces travaux.

Ces résultats, notamment attendus par l’ANSM, pourraient amener cette dernière à délivrer au baclofène une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de l’alcoolo-dépendance.

Frédéric Haroche

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