Nouvelle étude sur le baclofène : « un taux de succès de 68 % »

Publié le 17-11-2013 à 07h47 par 

Le psychiatre Bernard Granger a suivi dans son service 81 patients sous baclofène, ce relaxant musculaire prescrit pour soigner l’alcoolisme. Il fait le point sur le traitement.

Bernard Granger

Bernard Granger est professeur de psychiatrie à l’Université Paris-Descartes et exerce à l’hôpital Tarnier (trois demi-journées de consultations publiques et deux privées  chaque semaine). Il tient un blog « La saga du baclofène » sur Books.fr. Il est aussi rédacteur en chef de la revue « Psychiatrie, Sciences humaines, Neurosciences ».

Vous venez de publier les résultats d’une étude menée dans votre service. Verdict ?

– Nous confirmons l’efficacité du baclofène dans l’addiction à l’alcool à partir d’une étude observationnelle de six mois, qui a fait l’objet d’une thèse soutenue avec succès à l’Université Paris-Descartes par le docteur Nicolas Dussère. L’étude porte sur l’ensemble des patients alcoolo-dépendants ou buveurs excessifs ayant consulté dans mon service ayant commencé à prendre du baclofène à compter du début 2012 et pour qui le recul était d’au moins six mois au moment de l’étude, soit 81 patients (53 hommes et 28 femmes) âgés en moyenne de 47 ans et 6 mois, 18 ans pour le plus jeune, et 67 pour le plus vieux. Le pourcentage de patients atteints de façon concomitante d’un trouble psychiatrique s’élevait à 59%. Les résultats principaux, comparables à ceux déjà publiés par deux autres équipes françaises, montrent à six mois une proportion de 68% de patients abstinents ou ayant une consommation modérée. Le taux de succès s’élève à 83% si on inclut ceux qui ont réduit au moins de moitié leur consommation d’alcool.

A quelle dose le baclofène leur a-t-il été prescrit ?

– 170 mg par jour en moyenne, pendant six mois. Ce qui confirme qu’une posologie forte est requise. Chez 25% des patients, il a fallu des doses supérieures à 200 mg.

Pour quels effets indésirables ?

– Près de 100% des patients ont eu des effets indésirables – seuls 3 d’entre eux n’en ont eu aucun. Les plus fréquents sont l’insomnie et l’asthénie. Ils ont été le plus souvent transitoires et n’ont nécessité l’interruption du traitement que pour 3. Quatre, en outre, ont dû être hospitalisés (5%).

En août, l’agence  du médicament recensait 405 effets indésirables. Qu’avez-vous pensé de cette annonce ?

– Qu’elle n’apportait rien de nouveau. Ces effets sont connus, nombreux mais rarement graves. Aucun cas d’intoxication mortelle n’a jamais été enregistré. Souvent, mais pas toujours, ils sont transitoires. Pour en diminuer l’occurrence, il faut adapter la posologie et sa progression en fonction de la tolérance du patient. Au début du traitement, la surveillance clinique doit être étroite. Il y a parfois des traitements correcteurs pour les éliminer. Enfin, beaucoup de patients supportent facilement tel ou tel effet secondaire au regard du bénéfice apporté par le traitement. Que sont quelques acouphènes ou des difficultés de sommeil face au calvaire enduré par certains alcoolo-dépendants ? Les cas d’arrêt du baclofène en raison d’effets secondaires sont finalement assez rares – 4 % dans notre étude.

Deux études en double aveugle contre placebo sont menées en parallèle, Bacloville et Alpadir. Où en est-on ?

– Elles ont bien avancé, au rythme prévu. Elles concernent plus de 600 patients au total et doivent se terminer vers le mois de juin. Les résultats seront connus au cours des derniers six mois de l’année 2014.

D’ici là, on attend toujours la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) annoncée depuis juin et qui permettra aux médecins de prescrire le baclofène dans les cas d’alcoolo-dépendance. Pourquoi l’agence du médicament (ANSM) tarde-t-elle à l’accorder ? 

–  Le 3 juin dernier, le professeur Dominique Maraninchi, directeur général de l’ANSM, a annoncé qu’une RTU serait accordée au baclofène pour cette indication en automne, et on parle maintenant de début 2014. Insupportable quand on sait que de nombreux  médecins attendent la RTU pour prescrire et que chaque jour plus de 130 patients décèdent prématurément à cause de l’alcool, qui est la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac.

Comment l’ANSM travaille-t-elle sur ce dossier ?

– Avec beaucoup de légèreté. Elle a refusé d’auditionner les vrais experts, ceux qui prescrivent avec succès le baclofène depuis des années. Or ceux-là ont une grande connaissance du produit et ont, pour certains, publié leurs résultats dans la presse scientifique internationale. Il y a par exemple l’étude de Renaud de Beaurepaire parue en 2012. Quand on lit le compte rendu de l’agence, on s’aperçoit que certaines des personnes auditionnées ou même des membres de la commission ne connaissent pas le dossier ou ne prennent pas en compte « la vraie vie ». Ils font une médecine théorique, sur le papier, déconnectée du terrain et peu soucieuse de l’intérêt des malades. Nous avons donc écrit à l’agence, le 12 octobre dernier, pour faire part de nos remarques (lire la lettre). Pas de réponse à ce jour. Pourtant lors de son intervention en juin, le directeur de l’agence, le professeur Dominique Maraninchi avait pris position avec beaucoup de justesse et d’intelligence.

Nouvelle étude sur le baclofène : « un taux de succès de 68 % »