Prise de conscience

Ce banc sellé au sol, je m’y assois de temps en temps. Une manière de garder les pieds sur terre, d’être moi, en pensant à toi…

Toi, avec qui j’ai tant partagé, avant qui j’ai tant ri, toi qui vivait dans la même prison que moi, et qui pouvait comprendre que les barreaux ne sont pas sciables.

Toi, que ma femme adorait et détestait en même temps. Toi qui étais mon refuge, et pas elle. Toi qui me permettait de m’évader, et pas elle. Toi qu’elle aimait car avec toi je souriais, toi qu’elle détestait car avec toi je buvais.

Toi, mon compagnon de galère, toi, avec qui on volait des bières sous l’œil impuissant de l’agent de sécurité du supermarché, toi avec qui je jouais aux boules, qui ne roulaient jamais dans la direction prévue, ces points qui s’envolaient et qui te faisaient toujours gagner, on ne sait comment puisque tes boules finissaient toujours hors du terrain.

Toi, avec qui je partageais la même maitresse, toi avec qui je ne voyais pas la main tendue de ma femme pour nous sortir de là. Toi avec qui je rigolais quand on entendait : « Vous êtes malade les mecs, il faut vous faire soigner.  Mais depuis quand l’amitié est elle une maladie ?

Et pourtant. Je t’ai vu toi, sombré, coulé, t’installer avec cette femme qui ne te voulait pas de bien pendant que ta femme et tes gosses attendaient ton retour, sans le dire. Je t’ai vu respirer artificiellement, je t’ai vu malade, j’ai compris. Mais j’ai compris trop tard.

J’ai compris lorsque j’ai jeté cette rose sur ton cercueil, j’ai compris lorsque j’ai vu tes enfants pleurer…Papa ne r’viendra pas.

J’ai bu. Beaucoup bu. Mais l’alcool n’avait déjà plus le même gout. Tu n’étais plus là. J’étais tout seul sur notre banc. Et j’ai mis du temps, mais un jour j’ai enfin vu la main tendue de ma femme. Celle que nous aurions du prendre tout les deux à l’époque car elle était prête à se battre pour nous deux.

Cette main m’a embarqué dans une aventure extraordinaire mon Franky, et j’aurais tant voulu que tu la fasses avec moi, Mon nouveau copain s’appelle Baclofène. Il est moins drôle que toi, je ne peux pas pleurer sur son épaule. Mais grâce à lui, je ne noie plus mes peines derrière les barreaux de notre prison. J’ai trouvé une scie mon Franky.

Il me reste encore quelques barreaux à scier mais plus tant que ça.

Alors avant que ce soit la mort d’un proche qui vous fasse prendre conscience de votre maladie et de la souffrance qu’elle entraine pour tout votre entourage, je vous en supplie, sortez de votre déni et acceptez de vous soigner.

Mon Franky c’est grâce à toi que je sais que je suis malade, et moi, et ma femme nous en voulons de te remercier pour cela. Je fais ce combat pour moi, pour elle, et aussi pour toi qui me surveille de là-haut avec mon Ulysse. »

Mon histoire
Baclofène - Association Baclofene