RTU baclofène – lettre ouverte adressée au directeur de l’ANSM

Monsieur le directeur général,

L’étude CNAM-INSERM-ANSM qui vient de paraître à propos du baclofène et sur laquelle vous vous appuyez pour limiter la dose maximale du baclofène à 80 mg dans le cadre de la RTU que vous avez mise en place, appelle plusieurs commentaires.

  1. Les auteurs n’en sont pas connus.
  2. Il n’est pas dit si la méthodologie a été établie a priori et déposée, ou si elle s’est adaptée en cours de route et a été modifiée a posteriori.
  3. Le plan d’analyse statistique n’est pas fourni.
  4. Les auteurs de l’étude font des hypothèses et des interprétations vite assimilées à une imputabilité, ce qui est impossible avec ce type d’étude qui n’établit que des associations, en l’occurrence selon une méthodologie discutable.
  5. Deux critères fondamentaux, la gravité de l’intoxication alcoolique et les comorbidités psychiatriques, n’ont pas été pris en considération : ce sont deux variables confondantes majeures au regard des risques évalués.
  6. De ce fait, la comparabilité des quatre groupes n’est pas assurée. De plus, comme le montrent au moins deux études de suivi déjà publiées, les participants ayant eu besoin de doses élevées de baclofène à un moment ou un autre de leur traitement sont en général plus gravement dépendants, ce qui ne peut pas être évalué par ce travail.
  7. Enfin, un autre biais important concerne les différents groupes baclofène. Il n’est pas dit clairement comment ils ont été définis. Un patient dans le groupe de plus de 180mg a eu une prescription de plus 180mg à un moment donné du traitement, mais pendant combien de temps, et pendant combien de temps a-t-il reçu une prescription de doses plus faibles ? Ceux des autres groupes ont-ils eu à un moment donné une prescription de doses supérieures à 180 mg ? Depuis quand durait la prescription à telle ou telle dose quand est survenu tel ou tel événement ? Quelle a été la dose moyenne prescrite pour chaque patient des différents groupes ? L’évolution des doses prescrites est très variable dans le temps en fonction des patients, si bien que définir trois groupes paraît simplificateur, voire artificiel.

Toutes ces interrogations sont légitimes, participent du débat scientifique et méritent des réponses. Malgré le flou qui entoure cette étude, il en a été conclu à l’existence d’un danger important des doses élevées de baclofène, ce qui n’est pas établi tant que les biais potentiels n’auront pas été éliminés.

Ces conclusions ne nous paraissent pas justifier à ce jour une décision de limitation à 80 mg de la prescription de baclofène car cette décision ne tient aucun compte des données d’efficacité montrant l’intérêt des doses supérieures à 80 mg.

Il est nécessaire de discuter et d’affiner ces données, et surtout de mener des études dont la méthodologie soit plus adaptée à la question de la sécurité du baclofène. Les nombreuses études cliniques menées par plusieurs équipes à travers le monde sont à cet égard beaucoup plus rassurantes.

Veuillez recevoir, monsieur le directeur général, l’assurance de nos respectueuses salutations.

Francis ABRAMOVICI,
Xavier AKNINE,
Bernard GRANGER,
Paul KIRITZE-TOPOR,
Claude MAGNIN

Membres du comité scientifique spécialisé temporaire « RTU baclofène dans le traitement de la dépendance à l’alcool » réuni par l’ANSM

Lettre ouverte RTU Baclofene