Baclofène : la vente du médicament Baclocur est suspendue

Nouvel épisode dans l’aventure du baclofène, ce traitement contre l’alcoolisme. La sortie d’un médicament basé sur cette molécule devait se faire lundi 15 juin 2020. Raté ! Le tribunal l’a interdit. Explications.

Déjà longue de plus de dix ans, la saga de ce traitement contre l’alcoolisme vit ces jours-ci un nouveau rebondissement : alors que ce lundi 15 juin 2020 devait être commercialisé pour la première fois le Baclocur, un médicament à base de baclofène contre l’alcoolo-dépendance, la justice a décidé de suspendre sa mise sur le marché. Le Baclocur avait vocation à être le premier médicament “officiel“.

L’automédication du docteur Olivier Ameisen

En effet, jusqu’en 2014, les personnes alcooliques voulant avoir recours à ce traitement devaient le faire “sous le manteau“, grâce au concours de médecins leur prescrivant pour des raisons compassionnelles comme ils en ont totalement le droit. En France, il s’agissait alors de la forme générique de ce vieux myorelaxant, prescrit normalement pour apaiser les douleurs spastiques, par exemple dans les cas de sclérose en plaques, mais remis au goût du jour suite à l’automédication de feu le Dr Olivier Ameisen qui l’utilisa pour soigner son alcoolisme (lire à ce sujet “le dernier verre“, chez Pocket) . La situation s’est un peu normalisée avec la mise en place en 2014 d’une RTU (Recommandation Temporaire d’Utilisation) allégeant et facilitant la prescription du baclofène pour une indication d’alcoolodépendance.

Le 15 juin devait donc sortir une nouvelle déclinaison du baclofène, le Baclocur, fabriqué par une petite entreprise pharmaceutique, Ethypharm. Avantage : le Baclocur aurait été disponible sous quatre dosages 10, 20, 30 et 40 mg. Ceci afin de pallier l’une des principales critiques adressées à la forme générique : sa formulation unique de 10 mg. Ce qui signifie que pour certaines personnes alcoolo-dépendantes prenant 300 mg, et parfois plus, de baclofène, il leur faut ingurgiter quotidiennement une trentaine de cachets !

La colère des associations

Mais si la formulation de Baclocur promettait un meilleur confort aux utilisateurs du baclofène, sa prescription s’accompagnait d’une limitation : impossible de prendre plus de 80 mg par jour. “Ce qui signifie, explique Samuel Blaise, président de l’association Olivier-Ameisen, que le traitement serait inopérant sur énormément de personnes étant donné que la dose moyenne efficace se situerait aux alentours de 180 mg. “ Car le principe du traitement par baclofène repose sur une augmentation progressive et quotidienne des doses (d’abord 10 mg, puis 20, etc.) jusqu’à atteindre un seuil palier, propre à chaque individu, où celui-ci éprouve une “indifférence“ à la boisson. Certains n’auront besoin que de 20 mg, d’autres 100, d’autres 200, et de très rares personnes dépasseront les 300 mg de baclofène par jour pour atteindre cette “indifférence“ vis à vis de l’alcool.

D’où la colère des associations à cette barrière de 80 mg qui laisse potentiellement plus de la moitié des patients sur le carreau. Surtout que, limitation supplémentaire, le Baclocur ne doit être prescrit qu’en “dernière intention“, soit au bout d’un parcours thérapeutique infructueux pour le malade et jonché de médications inefficaces.

« Annuler la posologie limite de 80 mg, rétablir celle à 300 »

Le collectif Baclohelp a donc déposé un recours auprès du tribunal de Cergy-Pontoise concernant cette dose maximale journalière fixée à 80 mg et décidée par l’Agence Nationale de Sûreté du Médicament (ANSM) suite aux conclusions, très critiquées, d’une étude de l’assurance maladie de 2017.“Notre souhait, dit Thomas Maës-Martin, du collectif Baclohelp, est que cette posologie limite de 80 mg soit annulée et que soit rétablie celle à 300″.

En effet, la sortie du Baclocur aurait annulé de facto la précédente mesure, la RTU de 2014 fixant elle, ce plafond journalier au maximum de 300mg. “L’étude Bacloville de 2017 (coordonnée par le Pr Philippe Jaury, ndr) montait, elle, jusqu’à cette dose de 300 sans soucis majeurs, poursuit Thomas Maës-Martin. Nous avons calculé que cette nouvelle limitation à 80 mg privait à peu près 2/3 des malades du bénéfice de ce médicament ! Alors qu’assorti d’une prise en charge initiale bien encadrée à l’hôpital, rétablir la dose de 300 mg ne paraîtrait pas poser de problèmes et permettait à la totalité des personnes alcoolo-dépendantes pouvant bénéficier des effets de ce traitement d’y avoir accès.“